Réunir des personnes différentes autour d’une même table et discuter, construire des projets ensemble. C’est là une des raisons d’être de notre journal ; sûrement la raison principale, même. En Basse-Marche comme ailleurs, chacun d’entre nous ressent, à différents niveaux, ce besoin de faire des choses ensemble, avec d’autres, et il existe mille et une façons de s’investir dans des projets qui nous amèneront à intégrer une équipe, qu’elle soit sportive, associative, professionnelle, spirituelle, ou même politique ! La solitude est parfois précieuse, c’est certain, et il suffit de partir randonner quelques heures dans les Monts de Blond pour mesurer le bien que cela peut occasionner de faire un pas de côté, et de s’extraire temporairement de nos tracas quotidiens. Mais pour embellir ce quotidien, nous avons aussi besoin d’aller vers les autres, de créer du lien. Or, sur ce point, on nous radote souvent le discours déprimant sur la campagne, et sur la campagne bas-marchoise en particulier. Celle-ci ne serait qu’un désert, les cactus auraient été remplacés par des chênes centenaires ; nulle âme qui vive avec qui échanger, avec qui créer, ou même avec qui s’engueuler. Juste des volets fermés. « Le pire, c’est les volets fermés », nous dit d’ailleurs une petite dame dans un des articles qui suivent. Et pour ceux qui restent, l’isolement semble être inéluctable. Pas facile, par exemple, de vivre dans un hameau loin de tout, où rien n’est possible sans la voiture, dans un environnement où les commerces, les services publics, médicaux ou culturels ne sont pas légion. Sans parler du manque de moyens financiers. La Basse-Marche serait une terre aride pour faire pousser du lien. Et pourtant.
Et pourtant, nous qui vivons dans ce désert, nous le voyons partout, ce fameux lien. Au sein même de la rédaction, ou bien lors de nos interviews, ou plus simplement une fois la casquette Mefia Te! posée, lors de nos rencontres quotidiennes avec des habitants du coin, voisin(e)s, collègues, ami(e)s, parents d’élèves, commerçants, on entend souvent le même genre d’histoire. « Quand on est arrivé là [variante pour les enfants du pays : « Quand on est revenu là »], on ne connaissait personne. Et aujourd’hui, quelques années après, on a parfois du mal à avoir un week-end tranquille, tellement on est impliqué dans différents projets et différentes activités ». D’un côté, on nous sert donc l’image d’un no man’s land peuplé de rares cowboys solitaires et bas de plafond – ah, la tête du collègue à qui l’on apprend que l’on vient d’avoir un poste à Bellac… Et de l’autre, on entend des habitants du bled qui se disent débordés de projets, et on voit des gens qui se parlent, tout le temps. Merde alors, on nous aurait menti ? Ça méritait bien un dossier Mefia Te!, cette histoire ! Voici donc quelques éléments de réponse à la question qui nous taraude : par quel mystère arrivons-nous donc à créer du lien social en milieu rural, perdus dans la pampa limousine ?
Dossier à lire dans Mefia Te n°2!