Souverainté alimentaire… Encore une lubie de bobos-écolos agités du local ? Un truc de survivalistes attendant la fin du monde ? C’était peut-être vrai dans le monde d’avant, mais le confinement débuté en mars 2020 a complètement rebattu les cartes sur ce sujet. À en juger par la ruée sur les rayons de pâtes de nos supermarchés en début de confinement, il semblerait que cette notion interpelle le bon sens populaire. C’est comme si tout le monde avait eu l’intuition de la fragilité de nos chaînes d’approvisionnement alimentaire. Comme si le blocage de l’économie qui a suivi la crise de la Covid nous avait fait prendre conscience que l’abondance que nous offre le commerce mondialisé ne tient qu’à un fil. Et cette apparition sur le devant de la scène des notions de souveraineté et de résilience alimentaire n’est pas que la conséquence d’un réflexe sécuritaire face à la crainte de pénurie. Elle correspond aussi à l’expression d’un désir de proximité, de traçabilité, de qualité qui s’enracine de plus en plus chez les consommateurs que nous sommes. Les producteurs locaux ont eux aussi été pris d’assaut, au point de ne plus pouvoir fournir. La souveraineté alimentaire ne se décrète pas, elle nécessite un immense effort collectif.
Alors on a voulu en causer, à l’échelle de la Basse-Marche. C’est une question complexe, d’abord du point de vue du consommateur. Sur le papier bien sûr, la plupart d’entre nous aimerait pouvoir consommer principalement des produits locaux. Seulement voilà, ce n’est pas si simple de s’approvisionner en circuit court, à la fois en terme de logistique – pas toujours le temps de faire la tournée des producteurs ! – mais aussi en terme de budget évidemment, et d’envie, tout simplement. À titre individuel, nous sommes plein de contradictions, mais il y a de l’espoir ! Sans aller jusqu’à des recettes 100% bas-marchoises, comme dans la BD taquine qui ouvre ce dossier, les comportements changent, doucement.
Les agriculteurs du territoire sont évidemment un maillon essentiel sur ces questions de souveraineté et de résilience alimentaires. Nous sommes donc allés discuter avec plusieurs d’entre eux, ayant tous des profils différents. Tous sont sensibles à ces questions, même si les circuits courts ne semblent pas la panacée, vu le décalage entre la production agricole locale et le nombre d’habitants. Mais la proximité d’un centre urbain comme Limoges pourrait être mieux exploitée, comme nous l’explique l’article d’un jeune universitaire qui s’est intéressé à la notion de « péréquation alimentaire » à l’échelle du département. La transformation est aussi une étape clé ; si le territoire a la chance de disposer de l’abattoir de Bellac, géré par la coopérative Limovin, sur les autres secteurs agricoles, nous sommes plus limités. L’impression qui se dégage de nos échanges, c’est que bien évidemment, les collectivités disposent de leviers essentiels et que sans volonté politique locale, il est difficile d’avancer. Les communes ont la main sur les cantines des écoles par exemple ; ailleurs en France, certaines mettent en place des régies municipales pour la production de légumes à destination de la restauration collective, ou bien appuient la mise en œuvre d’outils de transformation adaptés aux demandes des producteurs, de façon à mieux répondre aux consommateurs. Ici, la Communauté de Communes et le Pays se saisissent du sujet, mais c’est encore tout récent, et nous attendons avec impatience la mise en œuvre d’actions concrètes, tout comme nous comptons sur vous, consommateurs, pour essayer de faire bouger les lignes… Un territoire, ça se pense aussi par le biais de nos assiettes ! Alors, la Basse-Marche, pays d’abondance, pays de Cocagne ?
Dossier à lire dans Mefia Te! numéro 7…