Chaque année, sur notre territoire, des classes et des écoles sont menacées de fermeture. À Bellac, c’est le site de l’école maternelle Jean Giraudoux, en plein centre, qui s’apprête à fermer, compte tenu de la baisse des effectifs. Mais celle-ci pourrait être amplifiée par des demandes de dérogation venant de familles inquiètes d’une certaine mauvaise réputation des écoles de Bellac. Parents, enseignants, habitants, élus : on se rassemble autour d’une table et on s’attaque aux problèmes, plutôt que de les fuir?
Dès le numéro 3 de Mefia Te!, en 2019, nous faisions un dossier sur la situation des établissements scolaires de notre territoire du Nord Haute-Vienne. Il suffit de lire la presse, de regarder la télévision régionale ou d’écouter la radio pour savoir que tous les ans, c’est la même rengaine: on s’inquiète pour la fermeture d’une classe, voire même d’une école dans tel ou tel village. C’est partout pareil dans tous les territoires de France. Dernièrement, on a même vu les habitants d’une bourgade de Moselle inscrire 4 moutons dûment identifiés à l’école du village, pour atteindre le nombre fatidique d’élèves nécessaire au maintien de l’établissement scolaire. Technique facilement duplicable par ici!
Cette année encore, ça chauffe pour les écoles du secteur. Et en tant que modeste journal local, nous avons eu l’occasion d’assister ces dernières semaines à différents échanges entre parents d’élèves relatifs à une situation particulière, celle des écoles maternelles de Bellac. Nous étions déjà au courant de la baisse des effectifs des deux écoles maternelles de la commune, qui semblait laisser augurer pour septembre 2024 une fermeture de classe et donc une « fusion » des deux écoles maternelles, sur le site Jolibois plutôt que sur le site « historique » de centre-ville de Jean Giraudoux. Mais ces derniers jours, on a eu vent d’une information qui nous a laissés pantois: nous avons appris qu’une commune voisine avait reçu près d’une dizaine de demandes de dérogation de la part de familles bellachones pour que leurs enfants fassent la rentrée de septembre en maternelle ou en primaire là-bas plutôt qu’à Bellac. Et on nous ressort les arguments officieux justifiant ces demandes, toujours les mêmes en général, à savoir la forte proportion dans les classes bellachones d’enfants issus de familles en difficulté sociale, ou bien les relations compliquées avec les enfants issus de la communauté des gens du voyage.
Et là, comme trop souvent, la chouette Mefia Te! bouillonne. On a l’impression d’assister en direct à l’enterrement de première classe d’une école de centre-bourg rural, encore une. Et le pire, c’est que dans ce cas c’est non seulement la Direction Académique des Services de l’Éducation Nationale (DASEN) qui initie la démarche, avec sa quête annuelle de classes à fermer pour remplir consciencieusement les quotas du Ministère, mais c’est aussi la population elle-même qui se tire une balle dans le pied, en délaissant une école qu’elle ne (pré)juge pas assez fréquentable.
Et pourtant, il s’en est passé et il s’en passe encore, de belles choses, dans ces écoles de Bellac. Prenons l’exemple de l’école maternelle Jean Giraudoux, en plein cœur de la ville, et que l’on s’apprête donc aujourd’hui à fermer. Des générations d’anciens bellachons y sont passées bien sûr, et pourraient vous en dire des couplets. Aujourd’hui encore deux classes de maternelles y travaillent quotidiennement. À deux pas du cinéma, de la médiathèque, du Théâtre du Cloître, pour des sorties culturelles fréquentes (décidément, vraiment malfamée cette école, effectivement!). À deux pas des commerces de centre-ville, pratique pour les parents qui déposent ou récupèrent leurs gamins. Avec des projets pédagogiques qui tiennent la route. Avec des équipes enseignantes impliquées, et en demande de soutien.
Parce qu’il ne faut évidemment pas nier la réalité. Non, Bellac n’est pas un quartier huppé de Limoges, de Couzeix. Oui, il y a de la mixité sociale. Comme ailleurs. Oui, il y a des familles en difficulté. Oui, il y a des enfants issus de la communauté des gens du voyage. Oui, tout cela donne lieu à des tensions parfois.
Mais si on en parlait, au lieu de fuir le problème ? Si on se rassemblait pour demander plus de moyens à la DASEN ? Si on demandait collectivement à la mairie plus de garanties sur la présence d’adultes dans l’établissement, que cela soit les ATSEM (Agents Territoriaux Spécialisés des Écoles Maternelles) dans les classes ou même les surveillant(e)s à la cantine ? Si on s’attachait ensemble à mettre en lumière toutes les belles choses qui se passent dans ces écoles bellachones, malgré un contexte jugé « difficile » par certains ? Peut-être qu’on arriverait alors à arrêter cet enterrement de première classe. Ou pas. Mais au moins, on aurait essayé. Plutôt que de se tirer une balle dans le pied!
La rédaction du journal Mefia Te!
[illustration de Rocade, tirée du numéro 3 paru en octobre 2019…]