Pan sur le bec
On s’est rendu compte de notre bévue à la dernière relecture du précédent numéro. En feuilletant le fichier PDF qu’on s’apprêtait à envoyer à l’impression, d’un coup, ça a fait tilt : « Ouille aïe aïe, il n’y a que des portraits de mecs, c’est nul ! » Pas malin. Nous ne doutions pas de la sagacité de nos lectrices et lecteurs pour relever cette faute de goût. Nous nous faisons donc ici taper sur les doigts par une fidèle lectrice. Et vous savez quoi ? C’est mérité !
Prenons la plume (de chouette ou de hibou) puisque l’occasion nous est offerte d’exprimer directement dans le canard ce que la lecture du dernier numéro nous a valu d’émotions… D’habitude, que je les picore ou les dévore, j’aime tout à fait les grandes feuilles du Mefia Te ! Je goûte les belles images mises en page, les thématiques parfois étonnantes, les débats rarement piqués des vers et puis les portraits bariolés. Découvrir des visages, des noms, des récits singuliers me touche particulièrement, alors que je ne suis même pas du pays, habitant du côté d’Aixe-sur-Vienne (on n’a pas tous la chance de loger en Basse-Marche). Ce que j’apprécie ici est la lumière portée sur des personnes, disons voisines, qui d’ordinaire ne nous sont pas données à voir ni à entendre dans les médias : des adolescent·es, des éboueurs, des sorcières, Dounia du Dorat…
Mais que se passa-t-il donc avec le n°14 pour qu’il me tombât littéralement des mains vers la page 17 ? J’avais pourtant entamé le journal avec entrain, passant d’un éleveur de chevaux à un roman-photo d’étudiantes en chantier. S’en était suivi le dossier sur la musique, parsemé de visages : un batteur iconoclaste, un claveciniste, puis encore deux ou trois musiciens… Et là, mon esprit se figea brusquement, prise que je fus d’un sentiment bizarre. Avais-je eu la berlue ou était-ce bien une série de portraitsuniquement masculins ? En bonne féministe qui ne peut se renier, je faisais le décompte : en effet, douze photos sur douze qui montraient des hommes… « Oh non ! Pas dans Mefia Te ! Les gars et les filles qui le rédigent (bravo encore !)
doivent bien être au parfum quand même : le patriarcat rôde encore et veiller à la parité dans les expressions ne relève pas du gadget. »
Bon, le sujet est un chouïa complexe pour pouvoir être sérieusement présenté en ces quelques lignes. Retenons qu’invisibiliser une si vaste partie de la population est violent et lourd de sens, de non-dits. Comme si les femmes ne méritaient pas que l’on parle d’elles ni qu’on leur donne la parole ! Évidemment, on devine que la sur-représentation masculine dans le n°14 de Mefia Te ! ne relève aucunement d’une misogynie plus ou moins consciente mais plutôt d’une bête faute d’attention à cette question d’équilibre. Ce ne sera que partie remise, j’en suis certaine.
Maintenant, si vous commencez à chausser une paire de lunettes féministes, attendez-vous
à ne plus pouvoir baisser la garde tellement la place des femmes est souvent minorée voire mal traitée. Je pense, entre autres, aux stéréotypes genrés entretenus depuis si longtemps par les récits traditionnels, la grande Histoire largement écrite au masculin, le culte de la beauté sexualisée. L’atteinte aux imaginaires et l’entretien d’un processus d’auto-dévalorisation chez les femmes sont sans doute plus profonds qu’il n’y paraît. (cf. Mona Chollet, Beauté fatale, 2012). Dans le même temps, les mouvements féministes ont trouvé une si belle vigueur ces dernières années, sur tous les continents qu’on redemande une lichette de chèvre de la Basse-Marche et des poulettes de toutes plumes pour les numéros à venir !
Article de Claire F, à lire dans le Mefia Te ! numéro 15