Basse-Marche horizon 2053

Préambule à un dossier spécial

Après avoir travaillé sur le thème de la chasse dans le numéro précédent, nous avons voulu consacrer le dossier du numéro 17 à un sujet a priori plus léger et moins polémique, pensions-nous alors, mais néanmoins intéressant : l’avenir. Plus précisément, l’avenir de notre territoire du Nord de la Haute-Vienne. En 20 minutes de réunion de rédaction, c’était réglé : pour le dossier du numéro d’avril, on imaginerait la Basse-Marche dans 30 ans, à savoir en 2053. Très bien. Sauf que pour ne pas raconter trop n’importe quoi, nous nous sommes dits que ce serait bien de s’entretenir d’abord avec des gens compétents. Des gens qui se seraient déjà penchés sur cette question de l’avenir du département de la Haute-Vienne ou même de la région Limousin, voire Nouvelle Aquitaine, dans un contexte de transition climatique. Alors nous avons sollicité puis rencontré deux quadras limougeauds dont les profils nous semblaient fort intéressants : François Clapeau, journaliste à France 3 et auteur notamment du polar d’anticipation à la sauce limousine, « D’abord ne pas nuire », et Nicolas Picard, entrepreneur, ingénieur et docteur en Physique, très impliqué professionnellement et associativement sur la question de la transition climatique et écologique. Deux heures d’entretien pour attaquer notre dossier Basse-Marche 2053. Ça nous a calmés d’emblée.

Ça nous a calmé parce qu’on s’est rendu compte que ce sujet n’était pas si léger que ça, même si on s’en doutait un peu ! Dès le départ, François Clapeau nous a confié combien il était primordial à ses yeux de proposer un récit nouveau, qui nous sorte de l’impasse dans laquelle nous sommes aujourd’hui. « Face au changement climatique, nous savons ce qu’il faut faire mais collectivement nous n’arrivons pas à agir. Pour nous y aider, je crois que le rôle de la culture populaire, c’est de proposer un récit avec des héros ayant un comportement nouveau, loin de ceux que l’on voit dans les blockbusters aujourd’hui. Il nous faut des images. » Père de famille, François Clapeau assume de vouloir décrire à travers ses romans une terre limousine du futur où l’on vivra heureux. Il imagine un « blast », une situation de crise qui nous obligera à changer le système dans lequel nous vivons aujourd’hui. La sobriété s’imposera selon lui, par manque d’énergie pour le transport notamment. En Limousin comme ailleurs, il nous faudra renouveler nos ressources et privilégier celles qui sont autour de nous. Les gens s’adapteront. Très méfiatesque, cet optimisme, n’est-ce pas ? Cela nous mettait malgré tout la pression ; il fallait qu’on s’applique. Même en proposant un dossier futuriste fictionnel, il était essentiel de réfléchir au cap que nous voulions fixer !
Deuxième round avec le propos de Nicolas Picard. Bien moins serein. Pour lui déjà, « 2053, ce n’est pas loin, c’est seulement dans 6 mandats présidentiels ». Et quand on sait le temps que cela prend d’initier de grands changements à l’échelle d’un pays, on peut se faire du souci. Notre interlocuteur estime primordial que l’ensemble de la population prenne conscience des enjeux climatiques et de la problématique de la future répartition des ressources, donc des richesses. Mais Nicolas Picard a malheureusement la sensation que le système actuel, bien que faisant fausse route, se durcit. Greenwashing à outrance, moqueries des écologistes (« On va pas aller à Paris en montgolfière ! »), poursuite des financements d’autoroutes ou des infrastructures de transports aériens sans prendre en compte les constats scientifiques des 30 dernières années : selon Nicolas Picard, on a déjà basculé dans une société dystopique. Et comme la cause de la transition écologique ne parviendra pas à mobiliser suffisamment de monde, il deviendra facile de basculer dans les extrêmes, ce qui entraînera une dérive autoritaires de l’État (quand on pense à l’expression « éco-terroriste » utilisée à foison par un certain ministre, on se dit qu’on n’est effectivement pas loi du compte). Mais se replier sur une échelle uniquement locale serait une grossière erreur pour Nicolas Picard. Il existe en effet de fortes disparités de ressources entre les territoires à l’échelle d’une région et d’un pays. Pour organiser et planifier la production, la répartition et l’utilisation de ces différentes ressources, l’intervention de l’État est indispensable. Avant même de parler de futur, d’intelligence artificielle, de modes transports ou de l’alimentation de demain, c’est toute une base de connaissances techniques qu’il faudrait que chacun s’approprie. Pour avoir une approche globale, la seule qui soit pertinente.
La conversation avec Nicolas et François s’est poursuivie longtemps et nous leur avons demandé ce que pourrait être dans 30 ans la politique, la santé, l’agriculture et l’alimentation, la santé, la production de biens, la technologie, etc. Nous sommes ressortis de cet entretien avec une certitude : nous n’aurions pas assez d’un dossier pour faire le tour du sujet de la Basse-Marche en 2053. Il a donc fallu faire des choix. Alors nous avons décidé de commencer par le récit : vous lirez dans les pages qui viennent un numéro fictif de Mefia Te ! tel qu’il paraîtra dans 30 ans. Le numéro 137 donc ! Cela dit, à partir de ce premier travail assez jouissif à écrire mais forcément incomplet, biaisé et subjectif, nous essaierons dans les prochains numéros d’adopter une approche plus « technique », afin d’analyser plus rigoureusement la situation du territoire de la Basse-Marche au prisme du changement climatique. On vous en dit plus à la fin du vrai-faux numéro que voilà, paru en avril 2053. On espère qu’il vous plaira !

Edito du dossier à lire dans le Mefia Te ! numéro 17

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